Dans un article sur le framablog, un partisan du logiciels libre essaie (encore?) d’expliquer aux artistes que les licences Creative Common -nc-nd, c’est mal. Voici le lien vers l’article en question.
http://www.framablog.org/index.php/post/2012/09/07/eric-raymond-creative-commons-nc
Et comme ce genre de réaction de la part de soit disant gourous du libre me chauffe régulièrement, j’ai fait un long commentaire.
Je pense qu’il y a une différence fondamentale entre des choses faites pour être utilisés (logiciels, etc…), et une oeuvre d’art qui est faite pour être consultée. Et c’est clair qu’il faut différencier les licences de libre diffusion et les licences libres.
D’autres débats complexes peuvent être soulevés hors informatique, et j’ai un exemple. Quand on achète un t-shirt sérigraphié, il faut différencier le t-shirt, dont le modèle (la coupe) peut être libre ou déposé, de la sérigraphie, qui peut être également libre ou déposée. Si bien souvent, la licence de la sérigraphie est claire sur le site web, quand on achète le t-shirt, sait-on à l’avance si on a le droit d’en modifier la coupe, d’acheter du tissu et de la reproduire pour se faire son propre t-shirt, ou d’en commercialiser des copies, etc… ? On pourra dans certains cas avoir une idée de ça en consultant l’étiquette une fois le t-shirt réceptionné, quand étiquette il y a. On peut même aller encore plus loin : si le t-shirt est de marque américaine, designé par un anglais, fabriqué en Chine avec du fil en coton égyptien, et sérigraphié en France avec un dessin africain, quelle mélange de licences s’applique ? Dans la réalité, les fabricants et le client s’en foutent presque vu qu’à toutes les étapes quelqu’un gagne de l’argent (designer, fabrication, graphiste, sérigraphe, etc…) et le client est content de payer pour l’acheter: tout le monde n’a pas un métier à tisser, une machine à coudre et des cadres de sérigraphie chez lui, sans compter le savoir faire.
Ce t-shirt fait partie des produits industriels de grande consommation que le grand public ne peut pas produire ou modifier seul dans son coin, tout comme d’ailleurs des navigateurs internet ou des systèmes d’exploitation, un film en dvd sous blister, un lecteur Bluray ou un livre de poche. Et je ne fais pas cette comparaison par hasard ! D’une part, car bien souvent, les sociétés qui fabriquent et distribuent ces produits ont des services juridiques compétents, ce qui n’est pas le cas d’un artiste indépendant. D’autre part, car la licence ne sert à rien si on achète l’objet pour ce qu’il est, mais elle a une importance si son contenu (la sérigraphie sur le t-shirt, le texte du livre ou le film sur le dvd) est facilement ou doit être copiable/modifiable/etc.
Le problème des licences, copyright, eula, etc… n’est pas un problème neuf : il est vieux comme l’industrie des biens de consommation (les supports des biens culturels en font partie). Et revanche, le problème des créations facilement copiables, modifiables et distribuables est lui très récent. Plus récent même que certaines licences libres qui d’ailleurs n’ont pas été historiquement pensées pour les artistes. La Gnu GPL était pensée pour l’industrie informatique, par exemple. Creative Common a apporté avec ces licences pour la première fois une possibilité simple et compréhensible pour des artistes, indépendants, souvent non spécialistes du problème, de créer rapidement et facilement une licence valable pour leurs oeuvres. Y compris avec les fameuses -nc et -nd, dont les critiques viennent essentiellement du monde des logiciels libres, et pas du monde artistique pour lesquels elles sont une bénédiction. Et ces licences, en plus d’être pratiques, sont réellement valables juridiquement contrairement à certaines idées reçues.
Quand je dis valable, je pense notamment à cet exemple:
http://www.dogmazic.net/article.php…
C’est bien la preuve qu’un petit compositeur indépendant peut faire valoir une licence Creative Common -nc ou -nd, même vis à vis de grosses structures comme une chaine de télévision. En ce sens, le travail de Jamendo est très interessant pour la musique. Et c’est bien la preuve que ces licences ont une vraie valeur. L’exemple de @Schmorgluck en est un autre.
Un autre débat sur le Framablog est en cours sur le même genre de sujet:
http://www.framablog.org/index.php/…
Alors bon, messieurs les développeurs de logiciels, arrêtez de nous faire suer sur la notion de liberté de -nc-nd. Quand un artiste utilise cette licence, il permet sa libre consultation et sa libre diffusion. Réfléchissez déjà à ce que ça change pour les mondes des livres (plus de taxe sur la copie des livres dans l’enseignement), de la musique (pas obligé de payer la sacem pour jouer sa propre musique en concert ou de la diffuser sur son blog), etc… Si ça ne vous parait pas encore suffisant, considérez ça comme un premier grand pas. Énorme, même, à mon humble avis.
Finalement, en cas de doute, il suffit avant d’utiliser l’oeuvre de demander son accord à l’auteur, et d’afficher quelque part cet accord. Ça évite de perdre du temps, et il n’y a plus de doute sur les conditions d’utilisation. Dans certains cas, ça peut même être le départ de belles collaborations.
Pour approfondir:
http://www.framasoft.net/article4167.html
On est d’accord, on ne peut pas parler des droits d’auteur globalement. Chaque industrie a ses principes et ses particularités. Par exemple, dans le monde de la musique, de plus en plus artistes publient librement leurs créations, car l’argent ne vient pas de la vente d’albums, mais des concerts.